En 1912, le gouvernement ontarien adopte une mesure visant à interdire l’usage du français et à faire de l’anglais la principale langue d’enseignement dans les écoles élémentaires fréquentées par les élèves franco-ontariens. Le Règlement XVII limite l’enseignement en français et son usage comme langue de communication aux deux premières années du primaire. Dès la promulgation du règlement, les Franco-Ontariens s’organisent et livrent une lutte pour conserver leurs droits scolaires. Les principaux chefs laïcs et ecclésiastiques de l’Ontario français dénoncent le Règlement XVII. Fondée en 1910, l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFEO) prend la tête du mouvement. La lutte s’organise d’abord dans les écoles. La Commission des écoles séparées d’Ottawa (CESO) prend l’initiative de la résistance en donnant la consigne à ses enseignants de continuer à enseigner en français comme avant. La plupart des commissions scolaires bilingues de la province décident de suivre l’exemple de la CESO.

Afin de contrer la résistance franco-ontarienne, le ministère de l’Éducation de l’Ontario réplique dès le mois d’octobre 1912 en publiant le Règlement XVIII, qui menace de représailles les commissions scolaires, les enseignants et même les élèves récalcitrants. Mais l’ACFEO demeure sur ses positions et demande aux Franco-Ontariens de poursuivre la résistance. D’autre part, les Franco-Ontariens doivent également affronter des catholiques de langue anglaise. En effet, la majorité des élèves franco-ontariens se retrouve dans le réseau des écoles catholiques séparées. Or de nombreuses commissions scolaires séparées à majorité anglophone refusent de collaborer avec les commissaires franco-ontariens. En fait, le clergé catholique est fortement divisé sur la question scolaire. Dans plusieurs diocèses, les évêques anglophones demandent que le Règlement XVII soit appliqué dans leurs commissions scolaires séparées. Mais le clergé franco-ontarien refuse d’obtempérer. Mgr Élie-Anicet Latulipe, le seul évêque catholique francophone, appelle les Franco-Ontariens à la résistance. Ces derniers obtiennent également l’appui du clergé et des milieux nationalistes québécois. Cependant, le pape Benoît XV demande aux catholiques de l’Ontario de faire preuve d’unité.

De 1916 à 1927, la lutte pour les droits scolaires des francophones prend une nouvelle forme. En effet, un mouvement dirigé par le sénateur Napoléon-Antoine Belcourt milite en faveur des droits scolaires de la minorité franco-ontarienne. En 1923, la Unity League, formée de nombreux députés, de journalistes et d’universitaires anglophones d’influence, est créée. Cet organisme contribue à rallier l’opinion publique anglophone à la cause franco-ontarienne. En 1925, le premier ministre conservateur de l’Ontario, Howard Ferguson, accepte de créer une commission d’enquête afin de trouver une solution à la crise scolaire. En 1927, à la suite du dépôt du rapport de la commission Scott-Merchant-Côté, le gouvernement ontarien établit un système d’écoles primaires bilingues où le français devient la principale langue d’enseignement. Le Règlement XVII ne disparaîtra des statuts de la province qu’en 1944, faute d’avoir été reconduit.

Le gouvernement fédéral et les tribunaux

Au printemps 1914, tout en soulignant que la crise scolaire n’a pas été provoquée par les Franco-Ontariens, l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFEO) continue à revendiquer le droit à des écoles où le français a préséance. Le sénateur libéral Napoléon-Antoine Belcourt et le sénateur conservateur québécois Philippe Landry deviennent les principaux défenseurs de la cause franco-ontarienne. Le sénateur Belcourt plaide la cause des Franco-Ontariens devant la Cour provinciale de l’Ontario, puis, en 1915, devant le Conseil privé à Londres. Les tribunaux statuent que le Règlement XVII est constitutionnel et que, conséquemment, le gouvernement ontarien a le pouvoir de limiter l’enseignement du français dans les écoles de sa province. La décision du Conseil privé consterne les Franco-Ontariens. Certains conservateurs franco-ontariens estiment que la stratégie élaborée par l’ACFEO et le quotidien Le Droit risque, au bout du compte, de faire disparaître complètement les écoles bilingues. Selon la « thèse bleue », il vaudrait mieux utiliser des moyens strictement politiques. De son côté, le sénateur Landry, qui a cédé son poste de président du Sénat pour devenir le président de l’ACFEO en 1916, demande au gouvernement canadien d’utiliser son pouvoir de désavouer une loi provinciale comme le lui permet la constitution canadienne. Il dépose une requête de désaveu au Sénat comptant 600,000 signatures. Cependant, le gouvernement fédéral refuse d’utiliser son pouvoir contre la province de l’Ontario.

L’Église et le Règlement XVII →